Le jardin d’eau – Le saviez-vous ?

Château d’Ainay-le-Vieil, douves en eau, arbre centenaire par une belle journée ensoleillée

Que serait le site d’ Ainay-le-Vieil sans la présence de l’eau ? En effet on la trouve à la fois comme élément défensif autour du château fort avec les douves mais aussi comme élément d’agrément qui va structurer et dessiner le paysage de manière très organisée dans les jardins. Découvrons ensemble l’histoire de l’évolution du rôle de l’eau.

Le château d’Ainay-le-Vieil a la chance de posséder des douves en eau, un privilège au Moyen-âge car la plupart du temps les seigneurs avaient des douves dites “sèches”.

Les douves étaient des fossés larges et profonds remplis d’eau, creusées de manière à constituer un obstacle aux attaques. L’usage des engins de siège, comme les tours, les béliers, qui nécessitent l’accès aux murs d’enceinte, était rendu difficile voire impossible pour des fortifications entourées de douves. Autre avantage, l’eau des douves permet de contrecarrer les tentatives de sape. Le remplissage des douves se faisait en détournant les eaux d’un cours d’eau, d’un étang ou d’un lac à proximité. Elles nécessitaient un entretien constant, pour curer les fonds et les débarrasser des branches ou débris qui auraient facilité leur franchissement.

Enluminure, jeune femme pêchant dans les douves d'un château fort

Les douves pouvaient aussi servir de vivier pour l’élevage de poissons,
comme l’illustre l’enluminure médiévale ci-dessus.

En effet, le poisson figure en bonne position à la table des seigneurs. Viollet-le-Duc dans son “Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle ” précise au sujet des douves : “C’était au seigneur suzerain à régler l’étendue et la largeur des fossés, c’était lui qui dans certains cas exigeait qu’on les comblât. Quant à leur entretien, il était à la charge du seigneur ou à la charge des vassaux par suite de conventions spéciales”.

Les petits seigneurs qui n’avaient pas les moyens de faire construire des douves maçonnées, se contentaient de fossés secs qui pouvaient être piégés (comme ci-contre au château de Touffou dans la Vienne).

L’eau, un élément d’agrément

Le déclin du château fort au XVIIe siècle a entrainé leur assèchement pour raisons sanitaires. Après la Renaissance, les douves ont continué d’être utilisées pour les châteaux dans un but devenu surtout esthétique, comme au château de Chambord ou de Vaux-le-Vicomte.

À la Renaissance l’ordre des priorités s’inverse : en même temps qu’elle devient moins efficace pour la défense du château, l’eau devient de plus en plus nécessaire à l’agrément des jardins.

Château de Chenonceau vue aérienneLe goût des contemporains pour l’eau explique l’importance prise par les jardins d’eau comme dans les jardins d’eau du château de Chenonceau.

 

Les progrès dans les techniques hydrauliques

L’importance prise par l’eau dans les jardins du XVIe siècle peut s’expliquer par des progrès dans les techniques hydrauliques (drainage, irrigation). En effet, les progrès de l’hydraulique n’aidèrent pas seulement à étendre les surfaces des jardins aménagés en île, ils contribuèrent également à donner à l’eau une place plus importante.

 

L’art des jeux d’eau

La Renaissance fut une période favorable pour la création d’espaces de loisirs pour les rois, princes et prélats. Ceux-ci firent appel à des ingénieurs hydrauliciens italiens réputés pour aménager de somptueux jardins. Des mécanismes hydrauliques plus ingénieux les uns que les autres animaient un panthéon fantastique provoquant l’admiration des hôtes parfois venus de loin.

Ci-dessus, une fontaine présentant
des automates animés par un système hydraulique.

Des ingénieurs hydrauliciens mirent leur science au service de l’art des jeux d’eau. Ils utilisèrent la puissance de l’eau non seulement pour créer toutes sortes de figures aquatiques mais aussi pour diffuser de la musique programmée et redonner vie aux personnages mythiques de l’Antiquité sous la forme d’automates. Le roi Henri IV poursuivit en matière artistique l’œuvre de François Ier. Il fit appel à Francini de réputation internationale dans l’art d’aménager des jardins enrichis de fontaines et d’automates hydrauliques. En 1598, cet ingénieur hydraulicien mit en scène dans le jardin de Saint-Germain-en-Laye, des êtres mythologiques : monstres marins, Neptune qui s’animaient au passage des promeneurs.

Les réseaux de canaux servaient à la navigation, à la baignade. En témoigne les multiples fêtes nautiques organisées sur les canaux des jardins d’eau à partir du milieu du XVIe siècle.

“Jardins d’Amour” d’après David Vinckboons, XVIIème siècle.

L’eau domestiquée, le cas d’Ainay-le-Vieil

Au XVIe siècle, la grille orthogonale de canaux s’est imposée dans le jardin français, de sorte que l’eau fut utilisée de plus en plus sous sa forme domestiquée, l’eau sauvage devenant exceptionnelle.

C’est dans ce contexte qu’un des ancêtres des propriétaires du château d’Ainay-le-Vieil, le Marquis de Bigny, humaniste et proche de la cour a créé de nouveau jardins. Il a vu naître en France ce mouvement nouveau de création de canaux entourant des îles à la Renaissance (Chenonceau, Fontainebleau). Il fait creuser des canaux irrigués par un ruisseau qui arrivait directement d’une rivière pour alimenter les douves du château. En amont des douves, il a creusé des canaux réguliers de 120 m de côté : “le Grand Carré en Île”.

La caractéristique des jardins d’eau de la Renaissance, c’est la création d’îles de formes géométriques variées. Ce qui caractérise également le site c’est l’omniprésence de l’eau mais surtout sa remarquable utilisation grâce à un système hydraulique très élaboré hérité du Moyen-âge, toujours utilisé par des jeux de déversoir et jeux de pelles qui régularisent le débit de cette eau sur tout son parcourt.

Château d’Ainay-le-Vieil, un déversoir alimente les jardins en eeauIl y a ainsi sur le site deux déversoirs importants : le premier qui amène
l’eau des canaux du Grand Carré en Ile vers les douves via un bief (ci-dessus).
Château d’Ainay-le-Vieil, un déversoir alimente les jardins en eau Le second des douves vers un petit ruisseau qui alimente le Cher.

Entre les deux pavillons début XVIIe siècle, un canal de dérivation amène l’eau au moulin. C’est de l’eau en mouvement de bout en bout qui est présente sur le site et non pas stagnante. L’eau arrive ruisseau, elle repart ruisseau.

Michel Baridon, historien de la culture, apporte à cet article la plus jolie des conclusion lorsqu’il affirme : “L’eau est l’esprit vivant du jardin”.