L’Histoire d’une famille et d’un château
Ainay-le-Vieil dans l'Histoire
L’Histoire du château à travers les siècles
Le château est construit sur un site occupé autrefois par les gallo-romains. Fortifié dès le Haut Moyen Âge, il est situé sur la frontière qui séparait les domaines francs de ceux d’Aquitaine et plus tard, ceux des rois de France des territoires anglais. Cette position stratégique, particulièrement jusqu’à la fin de la guerre de Cent Ans, explique la dimension de sa double enceinte qui lui a assuré force et pérennité. Il s’agissait d’une place importante pour le royaume, confiée à la garde de personnages proches des rois de France : Bourbon, des Barres, Sully, Culan.
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Pour l’Histoire, le château est cité dans le cartulaire de Champagne dès la fin du XIème siècle. La famille de Bourbon issue, dit-on, d’un frère de Charles Martel, fut la première historiquement connue. Le château passe ensuite à la puissante famille des Barres. Pierre en devient le seigneur en 1213 et Guillaume, son frère, s’illustre en sauvant le roi Philippe Auguste à la bataille de Bouvines en 1214. La famille de Sully, originaire du château de Sully-sur-Loire, possède pendant plus d’un siècle Ainay-le-Vieil qui sert de tête de pont pour harceler les Anglais pendant la guerre de Cent Ans.
Le château d’Ainay-le-Vieil est l’une des forteresses féodales les mieux conservées du centre de la France. L’enceinte fortifiée construite dans la seconde moitié du XIIIème siècle est un bel exemple de l’architecture “capétienne” instaurée sous le règne de Philippe-Auguste avec quelques particularités propres au Bourbonnais puisque la seigneurie dépendait des sires de Bourbon. L’enceinte est octogonale, irrégulière, entourée de larges fossés en eau, flanquée de sept tours cylindriques à archères et dotée d’un châtelet d’entrée à deux tours. Elle occupe l’emplacement d’un château entouré de douves plus anciennes construit sur une motte castrale. Comme tout château-fort de plaine, il comportait une seconde enceinte avec double fossé et double pont-levis. La seconde enceinte, aujourd’hui disparue, renfermait une surface d’environ trois hectares. Son tracé se lit encore sur le cadastre napoléonien de 1830.
Pendant la guerre de Cent Ans, il est le seul château de la région à rester français après la défaite de Poitiers en 1356.
À la fin des guerres franco-anglaises, le château perd son intérêt militaire.
Une histoire familiale
Acheté aux Culant en 1435 par Jacques Cœur, l’argentier de Charles VII, puis confisqué à celui-ci lors de sa disgrâce, il est racheté le 14 décembre 1467 par Charles de Chevenon, seigneur de Bigny, grand maître des Coureurs de France, c’est-à-dire des Postes royales fondées par Louis XI. Il est habité par les descendants de la famille Bigny, depuis plus de six siècles.
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Charles de Bigny fait édifier vers 1500-1505 à l’intérieur de l’enceinte, un magnifique logis gothique flamboyant très influencé par la Renaissance. Son fils Claude, gouverneur de la Bastille à Paris et son petit-fils Gilbert, maître d’hôtel de la reine Catherine de Médicis, achèvent les embellissements. De grandes fenêtres sont ouvertes sur l’extérieur et sur la cour débarrassée de ses bâtiments militaires.
Les intérieurs sont décorés de cheminées monumentales.
L’oratoire Renaissance, construit par Gibert de Bigny vers 1525 est remarquable par son architecture, sa décoration sculptée, par ses vitraux et enfin par ses peintures murales dont certaines datées de 1610 (attribuées à Jean Boucher et à son atelier) se superposent à celles de 1525. Elles illustrent la vie du Christ.
Vers 1600, deux pavillons Renaissance sont construits face au château à l’emplacement de la seconde enceinte; ils marquent l’entrée des « jardins d’eau de la Renaissance » créés par le seigneur de Bigny qui, proche de la cour du roi, céda ainsi à la mode du temps.
La Révolution française épargne la forteresse de la destruction. Le marquis de Bigny est guillotiné et son épouse s’exile alors en Angleterre ; son fils est tué dans la bataille de Quiberon qui oppose les aristocrates à l’armée révolutionnaire.
Au XIXème siècle, son neveu Anatole de Chevenon, devenu le nouveau marquis de Bigny entreprend la restauration du château et des jardins d’Ainay, vers 1855. Le parc est redessiné et transformé en parc paysager vers 1867, des jardins fruitiers sont créés dans les Chartreuses et un potager conçu par le botaniste Léonce de Lambertye occupe tout le “Grand carré en l’île” de la Renaissance.
À son décès, sa fille, la comtesse de Villefranche hérite d’Ainay qui est dévolu ensuite à sa fille, la marquise de Colbert, et enfin à la fille de celle-ci, la baronne Géraud d’Aligny.
Le Baron et la Baronne Géraud d’Aligny, parents et grands-parents des actuels propriétaires, décident d’ouvrir le château au public en 1954. Ils sont à l’initiative de la Route du Cœur de la France, première des Routes Historiques en France, avec plusieurs châteaux privés. Elle deviendra par la suite la Route Jacques Cœur. Un spectacle « Son et Lumière » est créé un an après celui de Chambord.
Une politique culturelle active est menée à partir de 1982. Des expositions ont lieu chaque été et leurs thèmes sont généralement liés à celui des Célébrations Nationales.
Une tempête dévaste le parc en 1984, point de départ de grands travaux de réhabilitation.
En 1988, création de la Route des Parcs et Jardins de la Région Centre, sous les auspices de la Demeure Historique, afin de développer le tourisme de jardins dans la région. L’Association des Parcs et Jardins de la Région Centre, créée à partir de la Route, devient l’organisme réunissant et représentant l’ensemble des jardins de la Région Centre.
Souvenirs de personnages illustres
Depuis 1467, le château demeure dans la même famille. Trois générations de suite, il est transmis par les femmes, dont certaines alliances sont à la fois prestigieuses et connues. C’est ainsi que des souvenirs historiques de Marie-Antoinette et de la famille Colbert font désormais partie de l’histoire d’Ainay.
Souvenirs de la famille Colbert, du ministre de Louis XIV aux trois généraux de l’Empire
Edmond et Jeanne de Villefranche ont une fille unique, Marie, qui épouse le marquis de Colbert Chabanais. Avec lui, le souvenir du ministre de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert, entre au château. Son visage apparaît sur un grand portrait de Lefèvre et une miniature de Petitot ; des livres proviennent de la bibliothèque Colbertine ; une clé de coffret ornée de pierres fines et d’une couleuvre émaillée rappelle son blason…
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Trois frères Colbert, engagés comme simples soldats dans l’armée révolutionnaire, deviennent généraux sous l’Empire. Les noms de deux d’entre eux, Edouard et Auguste, sont gravés sur l’Arc de triomphe de Paris. Des tableaux que le marquis de Colbert commanda à Lalauze, élève de Detaille, le célèbre peintre d’Histoire, rappellent leurs faits d’armes et les évènements auxquels ils participèrent. On y voit le général comte Edouard de Colbert avec Napoléon aux Tuileries pendant les Cents Jours et, sur une autre toile, menant la dernière charge de Waterloo, à la tête des lanciers de la Garde impériale. Une aquarelle montre son frère, le général Alphonse de Colbert saluant Madame Dupin, tenant par la main sa petite-fille Aurore. Devenue George Sand, celle-ci raconte dans ses Mémoires le séjour du général à Nohant.
Le château conserve aussi des pièces de l’uniforme d’Edouard : sa chapska, ses armes et ses décorations, sa tunique en soie, doublée d’une cotte de maille, de l’uniforme des lanciers rouges qu’il portait à Waterloo. Il avait été blessé la veille au combat de Quatre-Bras le 16 juin 1815 ; ce qui ne l’empêcha pas de mener l’attaque avec son bras en écharpe : la soie est encore tachée par la blessure. Auguste, le plus jeune des trois frères, était le préféré de Napoléon Bonaparte qui lui offrit, en 1799, lors de la campagne d’Egypte, une paire de pistolets accompagnés d’un superbe compliment : « Je vous envoie, citoyen, une paire de pistolets pour vous tenir lieu de celle que vous avez perdue. Je ne peux les donner à personne qui en fasse un meilleur usage. Je vous salue. Bonaparte. »
Un portrait en pied, oeuvre du baron Gérard, représente le général Auguste de Colbert tué en Espagne, à Calcabellos, en 1809, à l’âge de trente-deux ans. Sa mort brutale (il fut tué d’une balle en plein front) est symbolisée par une colonne brisée, un cheval effrayé par un ciel noir d’orage et un jeune chêne frappé par la foudre. Son fils, Napoléon-Joseph de Colbert enfant, est peint par Chaudet, dans la tenue écarlate des lanciers rouges, régiment commandé par son oncle Edouard. Il eut pour parrain l’empereur. Une vitrine abrite les cadeaux que celui-ci fit à son filleul : une boîte de dragées avec une scène de baptême, deux miniatures des deux impératrices, Joséphine et Marie-Louise, peintes sur ivoire par Isabey, un camée romain de l’empereur Auguste d’une étonnante ressemblance avec le profil d’Auguste de Colbert. Il a écrit une remarquable biographie de son père, le Général Auguste.
Souvenirs de Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI
À la fin du XIXème siècle, la fille du marquis de Bigny épouse le comte Edmond de Villefranche, arrière-petit-fils de la duchesse de Tourzel, devenue gouvernante des Enfants de France le 26 juillet 1789, après le départ en émigration de la comtesse de Polignac.
Découvrir les souvenirs de Marie Antoinette
Ce mariage apporte à Ainay deux objets que la reine Marie-Antoinette donna à Madame de Tourzel pour la remercier de son dévouement. Son sens du devoir, en effet, lui fit endurer les pires dangers : elle est la seule qui ne soit pas de sang royal dans la berline arrêtée à Varenne, elle est la seule aussi à être enfermée avec la famille royale et Madame Elisabeth dans la prison du Temple. En signe de reconnaissance, la reine lui donna une boîte à musique : minuscule lyre en or qui joue Bon voyage Monsieur Dumollet ; et un médaillon en ambre refermant une araignée fossilisée, considérée comme un porte-bonheur, qui est l’un des le dernier bijou que Marie-Antoinette portait sur elle au Temple.
La lecture du dernier billet écrit de la main de Marie-Antoinette à ses enfants, le matin de sa mort, est particulièrement émouvante.
Un autre objet, plus tardif, témoigne de la fidélité constante de la famille aux Bourbons : un petit bateau en ivoire, œuvre des canotiers dieppois, montre la duchesse d’Angoulême, fille de Marie-Antoinette, partant pour l’Angleterre en exil, accompagnée de sa dame d’honneur, la comtesse de Béarn, fille de la duchesse de Tourzel, et dont le petit-fils, le marquis Edmond de Villefranche, épousa Jeanne de Bigny, héritière d’Ainay.