Lorsque l’on pense au Moyen âge, à qui essaye d’en définir l’élément le plus caractéristique, l’image du château s’impose.
C’est même le terme de “château fort” qui vient le plus rapidement à l’esprit, et ce, même si les spécialistes ont tendance à le nuancer à cause de son sens trop restrictif. Car un château, ce n’est pas seulement un édifice qui sert uniquement à la guerre et à la défense. On y vit également, et cette fonction résidentielle est en fait beaucoup plus importante dans le temps que la fonction militaire. Mais le château est aussi le symbole d’une classe, l’aristocratie, qui affiche par son intermédiaire sa puissance et sa domination.
C’est au IXème et Xème siècle que l’on peut situer l’apparition du château. Il devient l’édifice identitaire de la société féodale naissante. Cette première époque de l’histoire des châteaux, du Xème au XIIème siècle, se caractérise par l’émergence de deux grands types : le château de terre et de bois (également appelé Motte castrale ou Motte féodale) et le château en pierre.
Si le premier est le plus fréquent, le second, apanage des puissants, lui est contemporain, et ce contrairement à l’idée reçue qui considère qu’on a d’abord employé le bois avant de construire en dur.
À la fin du XIIème siècle le conflit avec les Plantagenêt, rois d’Angleterre, conduit à des changements dans l’art de la guerre, avec l’emploi de mercenaires qui utilisent des machines de guerre. S’en suit une modification de l’architecture castrale où de nouvelles conceptions voient le jour, notamment le recours à la défense active. L’utilisation généralisée de l’archère (ou meurtrière) en est l’exemple le plus abouti.
À la même époque, le roi de France Philippe-Auguste met en place une politique de construction militaire qui affirme son autorité. S’entourant de spécialistes, il est l’instigateur d’un nouveau type de château que les castellologues nomment “château philippien“ ou type “Philippe-Auguste“. Le type philippien illustre une volonté de normaliser une architecture militaire : plan quadrangulaire flanqué de tours, fossé en U à contrescarpe maçonnée, courtines aveugles, tours circulaires à archères, châtelet à deux tours puissamment défendu (assommoir, herse, vantaux, archère latéral), logis au revers des courtines, donjon circulaire. Le donjon est placé à l’angle et détaché de la place.
Au XIVème siècle, la volonté de vivre plus confortablement conduit à un meilleur équilibre entre défense et résidence. Avec la guerre de cent ans, la fortification est une préoccupation majeure. L’aspect défensif est marqué extérieurement par la présence systématique de mâchicoulis, soit sur arcs, soit sur consoles (procédé nouveau qui assure un flanquement vertical parfait ; les châteaux plus anciens sont mis à jour avec des système de hourds), les tours sont désormais quadrangulaires afin de faciliter l’agencement interne. La défense est cantonnée essentiellement en partie haute et à la base, où l’on place une série d’archères.
Au XVème siècle, l’art de la guerre connaît une révolution : l’arme à feu. Cette dernière va conduire à la disparition, lente, du château fort. Face à l’arme à feu on tente d’abord de s’adapter comme l’illustre l’archère – canonnière, nouvel élément de tir qui se généralise vers 1400. C’est au milieu du XVème siècle, alors que la guerre de cent ans se termine à cause de la supériorité de l’artillerie de Charles VII, que commence à poindre la fin du château médiéval. La puissance de l’arme nouvelle nécessite une adaptation de l’architecture. Il n’est plus possible désormais d’associer la défense et la résidence, association qui était l’essence même du château depuis le Xème siècle.
L’artillerie étant de plus en plus performante, le pouvoir central commence à remettre en cause l’utilité des châteaux forts. Nombre d’entre eux sont remaniés afin d’être transformé en résidence. Parfois les éléments défensifs sont transformés en éléments décoratifs : pont levis remplacés par des ponts en pierre (comme ici, à Ainay) etc… La tendance est à la démilitarisation des châteaux qui sont peu à peu délaissés au profit de résidences d’agréments confortables et élégantes. Ce vent nouveau dans l’architecture se nommera la “Renaissance “.
Le château d’Ainay-le-Vieil présente l’aspect d’un château fort de plaine. Construit au XIIIème siècle, sur un emplacement où existaient des fortifications plus anciennes, le château est situé aux confins du Berry et du Bourbonnais, à mi-chemin de Bourges et de Montluçon.
Vassal des Bourbons, il est resté comme eux dans la mouvance des rois de France et doit probablement à cette allégeance d’avoir été aussi solidement construit, puis de n’avoir été ni démoli ni démantelé.
L’ensemble fortifié était très étendu en surface pour multiplier les obstacles. Il couvrait alors plusieurs hectares et comportait “hautes murailles, doubles fossés, deux pont levis “. Une enceinte extérieure à environ 250 pas du château le mettait hors de portée de l’artillerie du temps. Cette enceinte était elle-même défendue par des ouvrages classiques : tours, barbacane, châtelet… Tel qu’il était, le château avait une vocation essentiellement militaire.
Ainay-le-Vieil a appartenu successivement aux Bourbons, aux des Barres, aux Seuly (ou Sully) qui l’ont agrandi au XIVème, aux Culant et à Jacques Cœur avant de passer aux Bigny en 1467 dont les descendants sont les actuels propriétaires.
Pour en savoir plus :
Jean Mesqui, ” Les châteaux forts de la guerre à la paix «, Paris, Gallimard, 1995.
Philippe Durand, ” Le château fort «, Paris, Editions Gisserot, 1999.
Dominique Allios, ” Architecture des châteaux forts “, Editions Ouest France, 2014
Jean Mesqui, ” Châteaux et enceintes de la France médiévale, tome 1 et 2 «, Paris, Picard, 1991